Publié le 5 Juin 2019
Raymond Feist creuse depuis des décennies le même filon avec sa monumentale saga de “La guerre de la faille”, ou, plus simplement, “Krondor”. N’ayant lu que PUG L’APPRENTI voici bien longtemps (mais je vais m’y remettre) on peut penser qu’aborder cette nouvelle trilogie serait compliqué. Et pourtant non ! Que l’on connaisse ou pas l’univers de Feist, SERRE DU FAUCON ARGENTE se montre très agréable. Nous découvrons donc un nouveau héros, Kieli, dit Serre du Faucon d’Argent, seul survivant de son peuple après un massacre ordonné par le Duc Kaspar. Recueilli par l’intriguant Conclave des Ombres au sein duquel nous retrouvons un Pug toujours vivant, le jeune Serre va apprendre à devenir une arme vivante au service du Conclave. Il deviendra donc musicien, bretteur émérite, séducteur passionné, connaissant de nombreuses langues et stratège de premier ordre afin de mener le combat contre les (inévitables) Forces du Mal. Avec l’aide de Robert de Lyis, de Magnus le magicien et de Caleb le guerrier, Serre du Faucon d’Argent s’inscrit à un légendaire tournoi afin de devenir le meilleur bretteur du royaume, première étape de sa vengeance longuement ruminée.
Oublions un temps les intrigues de cour et les machinations politiques retorses pour plonger avec plaisir dans la pure Heroic Fantasy, avec ses guerriers légendaires, ses magiciens aux immenses pouvoirs et ses jeunes apprentis sur lesquels reposent le destin du monde. Feist ne donne pas dans l’originalité mais livre un roman au rythme bien géré (quelques petites longueurs dans le deuxième acte mais rien de rédhibitoire) divisé en trois morceaux : la vie de Serre dans son village et l’attaque des « méchants », l’apprentissage du jeune garçon et le tournoi d’escrime où il gagne ses galons de combattant d’élite. Feist fait partie de la seconde génération d’auteurs de Fantasy, ceux venus après les Grands Anciens (Tolkien, Howard, Leiber, etc.) qui, durant la seconde moitié des années ’70, devinrent adeptes des jeux de rôles et créèrent leur propre univers pour y développer leurs intrigues.
Plus accessible qu’un SEIGNEUR DES ANNEAUX, moins barbare qu’un CONAN, le monde de Feist (tout comme celui de Terry Brooks) paie un large tribut aux classiques de la Fantasy mais reste très plaisant à parcourir. Alors tant pis pour les critiques, fussent-elles spécialisées (cf. Elbakin) qui traitent tout cela avec une certaine condescendance en la qualifiant de High Fantasy hollywoodienne et manichéenne dépassée. Pourtant, SERRE DU FAUCON ARGENTE reste une belle réussite avec des personnages attachants, des dialogues qui sonnent justes et un équilibre entre l’intimiste et la grande aventure, ici double puisque les motivations personnelles (la vengeance) s’accompagnent d’un dessein plus vaste à peine esquissé dans ce premier tome.
Ecrit dans un style simple mais précis et efficace (on pense à Gemmell) SERRE DU FAUCON ARGENTE n’est pas parfait et ne prétend pas révolutionner la Fantasy : son schéma narratif reste très classique, son déroulement linéaire et son héros un peu trop parfait pour être crédible. Mais qu’importe, le plaisir se montre toujours présent et le souffle de la grande aventure emporte le lecteur durant quelques centaines de pages. Et n’est-ce pas là l’essentiel ?