fantastique

Publié le 25 Octobre 2017

LA DERNIERE ODYSSEE de Fabien Clavel

Comme son titre l’indique, ce romain de Fabien Clavel raconte une histoire parallèle à celle contée par Homère. Ulysse n’est, en effet, pas l’unique héros à avoir combattu durant la Guerre de Troie. Le prince Niréus, par exemple, est venu avec une flotte modeste de trois navires. Après dix ans de combats, dégoutté de la guerre, il embarque pour retrouver son royaume. Lorsqu’une tempête menace de couler son navire, Niréus demande à ses hommes de jeter le butin par-dessus bord pour alléger le bateau. Evidemment, ceux-ci refusent et se révoltent. Après avoir échappé à la noyade, Niréus rencontre divers personnages destinés à l’accompagner dans sa quête. En chemin vers son île, le prince croise la route des Gorgones, affronte les Amazones et se voit confier la mission de supprimer une redoutable hydre pour récupérer son trône tombé aux mains d’un régent usurpateur.

La malheureusement éphémère collection « Royaumes perdus » de chez Mango (15 titres parus) débutait de bien belle manière avec ce roman revisitant à sa manière l’Odyssée et, plus généralement, la mythologie grecque. La collection se voulait, en effet, dédiée à « fantasy, aux mythes et légendes qui nourrissent l’imaginaire mondial » et, quoique présentée comme destinée à la jeunesse, elle mentionnait un plus adapté « tout lecteur ».

Fabien Clavel nous propose ici de la belle fantasy historique et légendaires, un roman « grand public » (dans le bon sens du terme) qui, en 220 pages, nous permet de voyager aux côtés des héros de la Guerre de Troie. Enfin, héros… le terme est peut-être mal choisi comme le constate Niréus, défiguré par une vilaine blessure, au début du récit : « Je suis venu avec trois navires remplis chacun de cent vingt jeunes gens, il ne m’en reste plus qu’un seul (…) et pas même cinquante hommes. J’ai tout perdu : ma beauté, ma jeunesse, mes amis ». Mentionné par Homère sans que son destin ne soit explicité, Niréus, lui aussi, désire rentrer chez lui. Clavel nous conte ce retour dans un récit épique dont la linéarité se voit brisée par quelques sous intrigues réussies. Car l’auteur s’intéresse non seulement à Niréus et ses compagnons mais également aux dieux de l’Olympe qui observent les actes des hommes après la chute de Troie. Et aussi à un étrange Chasseur Noir, mystérieux personnage désirant se venger de notre héros tourmenté qui, chaque nuit, « retrouve ses victimes et se réveille en sursaut le corps baigné de sueur ».

Adroitement dosé, le mélange entre action, aventure et merveilleux alterne l’intimiste et le grand spectacle avec les rencontres vécues par les compagnons sur le chemin du retour : les Gorgones, les Amazones, l’hydre, les Ichthyocentaures mi-hommes mi-poissons, les lycaons (proches des loups-garous), la Sybille et ses prophéties, Hermès le messager des dieux, etc.

Un roman d’évasion hautement recommandable dont la conclusion en demi-teinte pour Niréus annonce une suite, LES GORGONAUTES.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Fantastique, #Jeunesse, #Fantasy

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Publié le 6 Octobre 2017

LA TOUR DE FRANKENSTEIN de Jean-Claude Carrière

Ecrivain, scénariste, acteur, metteur en scène et homme de théâtre plusieurs fois nominé à l’Oscar ou au César, Jean-Claude Carrière (né en 1931) s’est également frotté au cinéma bis et à la littérature populaire. Il rédigea ainsi « Le diabolique Docteur Z » et « Cartes sur table » pour Jésus Franco et fit ses premières armes de littérateur en signant, sous le pseudonyme collectif de Benoit Becker, six suites au classique de Mary Shelley.

Originellement publiés à la fin des années ’50 et devenus introuvables, ces bouquins, considérés comme des fleurons de la mythique collection « Angoisse » furent réédités en deux volumes, agrémentés d’une préface et d’une postface explicatives, au Fleuve Noir en 1995.

LA TOUR DE FRANKENSTEIN débute en 1875. Une jeune étudiante en médecine, Helen Coostle, revient passer ses vacances auprès de sa grand-mère dans le petit village irlandais de Kanderley. L’ambiance est pesante dans la région : plusieurs personnes ont en effet été assassinées par une main inconnue. De plus, Helen découvre l’existence d’une tour, réputée hantée, non loin de chez elle. Là vit le vieux Blessed, lequel a jadis connu le docteur Frankenstein au point de lui consacrer un petit musée rempli d’objets hétéroclites. Bien évidemment, Blessed lui dévoile la fameuse Créature, endormie (morte ?) dans son sarcophage. Une Créature qui, bientôt, revient à la vie pour roder dans les campagnes environnantes.

Voici donc un hommage en six volumes au célèbre mythe créé par Mary Shelley. Peut-être pour souligner la rareté d’un récit horrifique écrit par une femme (du moins à l’époque), l’écrivain donne, dans ce premier tome, la vedette à une jeune femme qui de destine à des études de médecine. Elle croise la route du Monstre pour une intrigue quelque peu linéaire, voire prévisible, mais qui ressuscite avec un certain bonheur le fantastique rétro et l’épouvante gothique.

Contemporain de la remise au goût du jour du mythe de Frankenstein par Terence Fisher et la Hammer Films, ces romans se réfèrent cependant bien davantage aux classiques de la Universal. La réédition arbore d’ailleurs le faciès caractéristique de Boris Karloff.

LA TOUR DE FRANKENSTEIN pourra donc sembler aujourd’hui quelque peu anachronique (le roman l’était même probablement déjà à l’époque de sa sortie) mais il dégage justement un charme suranné fort appréciable qui en rend la lecture agréable. De quoi donner envie de poursuivre la saga…

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Collection Angoisse Fleuve Noir

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Publié le 2 Octobre 2017

LE GEOMETRE AVEUGLE de Kim Stanley Robinson

Kim Stanley Robinson fait partie des valeurs sures de la science-fiction actuelle. On lui droit quelques « briques » comme son imposante CHRONIQUE DES ANNEES NOIRES (une superbe uchronie) ou sa fameuse trilogie dédiée à la planète MARS qui récolta de nombreux prix prestigieux (Hugo, Nebula, Locus et British Science-fiction).

Ce recueil se compose d’une novella (« Le géomètre aveugle ») et de sept nouvelles plus courtes pour un total de 320 pages.

« Le Géomètre aveugle » s’intéresse à Carlos, un aveugle passionné de mathématique qui a transformé son handicap en avantage dans le domaine de la géométrie à n dimensions. Il prend contact avec Marie, une jeune femme aux propos peu cohérents, et soupçonne les services secrets de surveiller leurs échanges verbaux. Il entame une relation amoureuse avec Marie mais comprend également qu’il est manipulé par le gouvernement…La nouvelle se base explicitement sur un théorème élaboré au XVIème siècle par le mathématicien français Girard Desargues et considéré comme la base de la géométrie projective. Si tout cela parait complexe ou même obscur (références mathématiques, « name dropping » de compositeurs de musique expérimentale, etc.), l’intrigue se suit aisément. Kim Stanley Robinson privilégie l’histoire d’amour, agrémentée d’une trame d’espionnage pas franchement originale mais efficace, pour accoucher d’une novella réussie justement récompensée par le Prix Nebula et nominée pour le Hugo et le Locus.

Les autres nouvelles abordent des thèmes divers. Sans les citer toutes, mentionnons l’intéressant « Les lunatiques », une histoire assez longue (plus de quarante pages) consacrée au calvaire des mineurs extrayant, de la lune, un métal indispensable aux Terriens. La science-fiction s’y trouve réduite au minimum (le contexte) pour privilégier un récit dystopique particulièrement sombre (au propre comme au figuré) sur l’esclavage moderne.

Autre nouvelle relativement longue, « Au retour de Rainbow Bridge » développe, sur cinquante pages, une jolie intrigue saupoudrée d’une pincée de fantastique. L’irrationnel se montre, en effet, discret dans cette balade accomplie autour du Rainbow Bridge, un pont rocheux naturel situé en Utah et considéré par les Amérindiens comme un lieu sacré. Le narrateur y entre en contact avec le mysticisme et à la vie sauve grâce à l’intervention providentielle d’un sorcier indien. Une lecture agréable.

Après le tableau dépressif et à peine prospectif que constitue le peu convaincant « Crève la faim en l’an 2 000 », nous arrivons à une plaisante uchronie, « Leçon d’histoire » au sujet de cinéastes occupés, sur la lune, à proposer de nouvelles versions d’anciens classiques du cinéma et de la télévision. La question centrale, proposée au lecteur, consiste à savoir si deux ou trois grands Hommes « font l’Histoire » où si celle-ci est plus globale, autrement dit moins dépendante des actes de l’un ou l’autre individu servant de modèle héroïque au plus grand nombre. Une interrogation traditionnelle qui divise philosophes et historiens depuis des siècles. Peu à peu nous apprenons les divergences entre ce monde et le nôtre : la crise des otages à Téhéran s’est réglée différemment, Carter a été réélu, une femme a sauvé John Lennon des balles de son assassin, etc. Les cinéastes s’interrogent également pour savoir si la « vérité doit absolument correspondre à la réalité » (des événements). Une belle réussite de la science-fiction spéculative bien sûr davantage soucieuse de questionnement que d’action pétaradante.

Le dernier récit, « la meilleure part de nous-même » mélange science, rationalisme et religion. L’auteur propose une relecture des textes évangéliques sans que l’on puisse toujours comprendre où il veut en venir ou quelle est sa position sur les sujets abordés, notamment l’inévitable opposition entre la foi (les miracles) et le rationnel (Jésus était-il un extraterrestre détenteur d’une technologie évoluée ?). Des questions encore une fois intéressantes mais un récit, cette fois, seulement à demi convaincant.

Au final, ce recueil laisse une impression mitigée (qui penche cependant vers le positif) mais demeure une bonne manière d’aborder la production, personnelle et originale, d’un auteur majeur de la science-fiction actuelle.

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Publié le 29 Septembre 2017

FLEURS D'EPOUVANTE de Lewis Mallory

Peu d’informations sont disponibles sur Lewis Mallory qui a publié trois romans chez Gore : LES PORTES DE L’EFFROI, CAUCHEMAR QUI TUE et ce FLEURS D’EPOUVANTE. Apparemment, il n’a rien écrit d’autre, étant venu et aussitôt réparti dans le petit monde de l’horreur sanglante. FLEURS D’EPOUVANTE appartient donc à cette vague du pulp horrifique anglais très vivace au début des années ’80. Plus porté sur le climat d’angoisse et l’atmosphère pesante que sur les scènes sanglantes et sexuelles ayant assurés la réputation de la collection « Gore », le bouquin comporte néanmoins une poignée de passages brutaux et se permet de martyriser des enfants, fait rare y compris dans le domaine de l’horreur transgressive.

Divertissant, FLEURS D’EPOUVANTE développe une intrigue intéressante, très série B dans l’esprit, et rappelle à la fois le film « La petite boutique des horreurs » et le cinéma catastrophe des années ’70 à base de révolte de la nature courroucée à la manière de DAY OF THE ANIMALS ou PROPHECY.

Le domaine de Kelsted Hall sert aux expériences d’un scientifique, le fou et génial professeur Durrant, qui crée des fleurs carnivores géantes. A sa mort, la propriété passe aux mains de ses héritiers, lesquels s’y installent et découvrent la vérité sur l’étrange nurserie. Nous suivons aussi la découverte progressive du secret de Kelsted Hall par une jeune femme qui y engagée, Belinda. Entre les nurses errant dans les couloirs, les nourrissons élevés pour des motifs inavouables l’horreur se dévoile peu à peu.

Tout cela avance sur un rythme posé (on peut dire lent mais ce serait trop péjoratif pour une œuvre misant surtout sur l’atmosphère d’angoisse) et de manière plutôt linéaire. Si les révélations se montrent assez attendues on prend néanmoins plaisir à suivre les péripéties de ce petit roman qui, tradition oblige, se termine de manière très ouverte en laissant supposer que le pire reste à venir.

L’œuvre étant courte (160 pages dans sa version originale anglaise), on peut supposer qu’elle n’a aucunement souffert de la traduction.

Pas grand-chose d’autres à ajouter sur ces FLEURS D’EPOUVANTE sympathique qui démontrent une fois de plus que la Collection Gore ne se limitait pas à des romans alignant à un rythme métronomique les scènes chaudes et sanglantes mais savait aussi proposer des bouquins d’épouvante plus classique et plus « noble ». A redécouvrir, le tout donne d’ailleurs envie de se pencher sur les deux autres livres de Lewis Mallory édité par le Fleuve.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Gore

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Publié le 28 Août 2017

OBSESSIONS de Christophe Bier

Afin de célébrer les 20 ans de l’émission Mauvais Genre (diffusée sur France Culture), l’indispensable Christophe Bier compile 132 chroniques enregistrées entre septembre 2003 et juin 2016.

Grand connaisseur du cinéma populaire, auteur d’un monumental DICTIONNAIRE DES LONGS MÉTRAGES FRANÇAIS PORNOGRAPHIQUES ET ÉROTIQUES, admirateur de comédiens typés (comme Daniel Emilfork), passionné par les nains, collaborateur sur de nombreux fanzines et magazines (dont, jadis, Mad Movies), réalisateur d’un documentaire sur Eurociné et acteur pour des cinéastes aussi divers que Jean-Pierre Mocky, Norbert Moutier, John B. Root ou Ovidie (il tient le rôle principal, celui d’un sexologue distingué, dans l’excellent « Pulsion »), Bier, en touche à tout enthousiaste, nous propose ici un véritable catalogue du « mauvais genre ».

OBSESSIONS de Christophe Bier

Que recouvre cette expression ? Difficile à dire. Disons simplement que tout ce qui n’a généralement pas droit de citer à la radio ou à la télévision, tout ce qui est ignoré du grand public et méprisé par l’intelligentsia (quoique cela soit, heureusement, en train d’évoluer) intéresse ce fin connaisseur. En empruntant les chemins de traverse de la culture « mainstream », Bier ne se cantonne pas dans un domaine mais, au contraire, brosse un large panorama du « mauvais goût » assumé. Avec, cependant, quelques points de repère, quelques jalons placés sur cet itinéraire insolite: la censure, l’érotisme (sans véritable distinction entre le soft et le hard), le fétichisme, la provocation, les freaks, les destins tragiques et les personnalités oubliées. Beaucoup de chroniques, forcément, prennent la forme d’un hommage, épitaphe gravée à la mémoire de seconds rôles disparus des écrans, de starlettes du X, de troisième couteau à la gueule immédiatement reconnaissable, de cinéastes besogneux négligés par la théorie des auteurs. Avec les années qui s’écoulent et la standardisation culturelle imposée disparaissent peu à peu, inéluctablement, les artisans ayant œuvrés dans le péplum fauché, le western spaghetti, le mondo movie crapoteux, l’érotisme bizarre, l’horreur excessive, l’exploitation non politiquement correcte, etc.

OBSESSIONS de Christophe Bier

Littérature, bande dessinée, peintures, films, expositions, etc. Bier brasse tout un pan de la sous-culture (quel vilain mot !) de ces cent dernières années : il s’intéresse aussi bien aux serials réputés « perdus » qu’à Alain Payet, chantre du hard crad français, à Mickey Hargitay, bodybuilder sadique du délirant « Vierges pour le bourreau », qu’à des bandes d’explotation comme « Super Nichons contre mafia ». Pour ne citer qu’une poignée d’exemples, la démarche de Bier étant de refuser le consensuel académisme des César pour leur préférer « l’imaginaire délirant » de l’horreur sanglante et de la pornographie.

Et, sur papier, notre érudit redécouvre les trésors du roman noir, du fumetti, invitant le curieux à fouiller les vide-greniers afin d’y dénicher du Erich von Götha, un livre de cul publié chez Media 1000 (« le cloaque de l’édition ») ou même à relire un BRIGADE MONDAINE, ces pseudo polars bardés de scènes chaudes aux titres ronflants et aux couvertures suggestives que l’on trouvait, voici une vingtaine d’années, dans les supermarchés et les relais d’autoroute. Avant qu’ils soient remplacés par des mamie porn consternants ou un énième Marc Levy.

OBSESSIONS de Christophe Bier

C’est la grande force de ces OBSESSIONS : le lecteur pourra piocher dans ces pages ce qui l’intéresse et, peut-être, poursuivre son exploration des recoins insalubres des cinémas de quartier ou des bibliothèques, se mettre à la recherche de « Drôles de zèbres », la comédie désolante de Guy Lux ("dans ce délire accablant mais frénétique, Sim se travestit bien sûr en Baronne de la Tronche en Biais, se balance à une liane et croise Coluche, Patrick Topaloff, Michel Leeb, Claude François et les Clodettes, Léon Zitrone, un nonce apostolique et un singe qui parle"), ou de « la doctoresse à des gros seins », mètre étalon (hum) de la démesure porno d’Alain Payet ("les physiques les plus variés dessinent les contours d’un univers baroque, entre Fellini et Mocky, peuplé de nains, de vieillards lubriques, de transsexuelles, de fat mamas comme celles de Miss Gélatine et ses copines"). Heureusement, certains films sortent aujourd’hui des limbes grâce au travail de passionnés comme Ecstasy of Films, Le Chat qui fume ou Bach Films, petits éditeurs dvd auxquels Bier rend également hommage.

A ces obsessions, sommes toutes attendues, on en ajoutera d’autres, plus curieuses, comme cet ode au magicien gaffeur Garcimore ou les références gay de la mythique série télévisée « Les Mystères de l’Ouest ».

Sans ordre (on devine que l’auteur lui préfère le chaos) autre que chronologique, ces 132 chroniques constituent une mine d’informations à dévorer !

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Publié le 25 Août 2017

L'ARBRE A SALIVE de Brian Aldiss

Brian Aldiss (1925 – 2017) nous a quitté ce 19 août, au lendemain de son anniversaire, à l’âge respectable de 92 ans. Sa carrière, fort riche, débute au milieu des années ’50. Il livre rapidement deux classiques, CROISIERES SANS ESCALES (qui renouvelle le thème des arches stellaires) et LE MONDE VERT pour lequel il obtient le Prix Hugo. Par la suite il va s’amuser à revisiter des thématiques classiques via divers pastiches (FRANKENSTEIN DELIVRE, adapté de manière potable à l’écran par Roger Corman, L’AUTRE ILE DU DOCTEUR MOREAU, DRACULA DELIVRE) et livrer une gigantesque trilogie de « planet opera » avec HELLICONIA. A l’origine de l’histoire (LES SUPERTOYS DURENT TOUT L’ÉTÉ) ayant abouti au superbe « Artificial Intelligence » de Steven Spielberg, bardé de prix (six British Science-Fiction, trois Hugo, deux Nébula, un Locus,…), ce « Grand Maitre » a aussi rédigé de nombreuses nouvelles et novella, dont L’ARBRE A SALIVE.

Longue d’environ 70 pages, cette novella fut d’abord publiée en revue (dans Fiction) puis rééditée dans la collection « double étoile » qui rassemblait, à chaque fois, deux romans courts. Une bonne initiative tant ces novellas, pourtant fort prisées des écrivains de science-fiction (L’ARBRE A SALIVE obtient d’ailleurs le Nébula) échappent, par leur format intermédiaire, à une publication classique.

Pour célébrer le centième anniversaire de la mort d’H.G. Wells, Brian Aldiss livre un récit inspiré par ses œuvres (LA GUERRE DES MONDES, LA NOURRITURE DES DIEUX) transformé en véritable histoire horrifique qui rappelle également Lovecraft et en particulier LA COULEUR TOMBEE DU CIEL.

Nous sommes à la fin du XIXème siècle. Gregory Rolles, amoureux d’une jeune fille de ferme prénommée Nancy, est un riche oisif qui se cherche un but dans l’existence, se rêve scientifique, correspond avec le renommé H.G.Wells et imagine des lendemains qui chantent où domineraient l’utopie socialiste (quelle horreur ! :-) ). Après la chute d’un astéroïde, il constate une croissance anormale des animaux et végétaux d’une ferme toute proche. Le goût des aliments se modifie également, comme si ceux-ci étaient peu à peu adapté à des palais différents. N’y aurait-il pas, au fond de l’étang, des créatures amphibies et invisibles, venues d’un autre monde pour se repaitre des humains ?

Voici un récit haletant et rondement mené qui privilégie l’action et le suspense mais ne néglige pas les considérations philosophiques et la réflexion. On peut ainsi se demander, avec le narrateur, si des visiteurs venus d’un autre monde seront des savants éclairés et bienveillants ou, au contraire, de terribles conquérants ne se souciant pas davantage du bien-être des humains que nous des bœufs destinés à l’abattoir.

Même sans être familier de l’œuvre de Wells, on peut apprécier cet hommage à ce Grand Ancien de la science-fiction et s’amuser d’une structure très lovecraftienne d’un récit se terminant par une confrontation attendue entre l’Homme et les Etrangers. Et, fidèle à la tradition, Aldiss achève ce court roman par une mise en garde implicite que l’on pourrait résumer par « watch the skies ».

Au final, une très plaisante lecture.

L'édition française "double étoile"

L'édition française "double étoile"

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #science-fiction, #Lovecraft

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Publié le 23 Août 2017

L’HORREUR AUX MILLES VISAGES de Bill Garnett

Publié chez Gore, L’HORREUR AUX MILLES VISAGES est un roman efficace qui intéressera davantage les lecteurs friands d’une intrigue solide que les inconditionnels de la boucherie littéraire.

Peter Stone, le manager d’une agence de voyage en plein essor, aime engager des secrétaires ne craignant pas les heures supplémentaires, de préférence à l’horizontale. Il porte ainsi son dévolu sur la trop jolie Roszina Janosi avec laquelle il entame une liaison torride. Hélas, Peter se lasse et, décidé à reprendre son couple en main, annonce à la demoiselle qu’il met un terme à leur idylle. Pour se venger, Rosznisa absorbe une grande quantité de médicaments et lui adresse une lettre expliquant les raisons de son geste. Ce coup de bluff se termine mal puisque la jeune femme décède. Sa mère, Magda, a connu pour sa part son lot de souffrances sous la botte des Nazis puis des Communistes. Lorsque meurt Rosznisa, sa dernière joie dans l’existence disparait. Magda entame alors un rituel afin d’évoquer une « chose » sanguinaire qu’elle lance aux trousses de Peter.

Sympathique roman gore au rythme enlevé (sans doute involontairement aidé par une traduction qui sacrifie une cinquantaine de pages sur les 215), L’HORREUR AUX MILLES VISAGES se montre fort plaisant à suivre. Au passage, le titre ne craint pas l’hyperbole puisque le monstre en question se limitera à une dizaine de visages, la « chose » changeant de forme au fur et à mesure du récit. Dès lors, le « héros » infidèle va affronter, au cours d’une excursion touristique le menant du Moyen-Orient jusqu’au Kenya, une série de manifestations horrifiques : serpent, vautour aux ailes gigantesques, etc. Une belle manière de renouveler les périls qui le menacent et d’offrir au lecteur une variété de manifestations épouvantables.

Toutefois, l’intrigue prend son temps durant sa première partie afin de présenter des personnages relativement travaillés (dans les limites du peu de pages impartis, évidemment) : un sale type arriviste, son épouse résignée, sa maitresse qui rêve du grand amour et la mère de cette dernière, une sorcière assoiffée de vengeance victime d’un passé tragique. Tout cela reste réaliste, soigné et crédible, le roman parvenant à intéresser le lecteur avec des histoires sommes toute banale d’adultère et les coucheries d’un patron volage. Par la suite, l’épouvante se manifeste de manière plus frontale. Hélas, le voyage autour du monde du « héros », certes plaisant, s’avère un peu trop rapidement expédié (des coupes sombres dans le texte originel peut-être ?) pour pleinement passionner. Un léger bémol atténué par une fin ironique attendue mais joliment amenée, à l’humour noir efficace dans la tradition des récits « à chute » façon E.C. Comics. L’assurance de quitter le récit sur une note positive.

Bill Garnett fut l’un des nombreux écrivaillons s’étant lancé dans la mode juteuse de l’horreur dans les années ’70 et ’80 mais L’HORREUR AUX MILLES VISAGES est, à ce jour, le seul de ses romans à avoir eu l’honneur d’une traduction française. Dommage car ce bouquin, certes classique et linéaire, se montre divertissant : un fantastique traditionnel à base de monstre sanguinaire et de malédiction ancestrale saupoudré de quelques passages « chocs » réussis.

L’atmosphère, bien rendue et effective, prédomine largement sur le gore (fort rare) et l’érotisme (une longue scène chaude pour contenter l’amateur) mais le tout se lit d’une traite et sans le moindre ennuit.

Dissimulé sous une couverture peu attrayante, voici une belle réussite pour une collection à l’époque vilipendée et aujourd’hui enfin réhabilitée ! A découvrir !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Gore

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Publié le 21 Août 2017

BOB MORANE - KROUIC de Henri Vernes

Publié en 1972, voici la 113ème aventure de Bob Morane. Ce-dernier se promène dans un champ de foire en compagnie d’un Bill Ballantine très impatient d’assister à une démonstration de catch. Mais les deux amis sont abordés par un étrange nain, Krouic, qui les invite à assister à un spectacle plus intéressant. Peu après Morane se retrouve prisonnier d’une énorme bouteille en verre. Il parvient à s’en libérer et sauve une jeune fille également captive, Violette, pour découvrir qu’il se trouve au main d’un mystérieux collectionneur. Le couple va devoir échapper à de nombreux périls.

KROUIC appartient pleinement au fantastique (et plus encore à la fantasy), un genre souvent présent en filigrane dans les romans de Bob Morane grâce à des personnages surnaturels ou à des inventions délirantes. Ici, l’aventurier se retrouve coincé dans un monde qu’il ne comprend pas et se voit forcé d’avancer sans autre but qu’espérer s’en échapper. Aidé par une demoiselle, Bob parcourt cet univers mystérieux et y rencontre divers périls : une araignée gigantesque, une tribu aux intentions équivoques, un étrange chasseur mécanique, un robot, etc.

On retrouve là le schéma classique de la quête, typique de la fantasy, et que magnifiera le fameux « cycle d’Ananké » (sans doute le sommet de la série) avec ses rencontres toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Ainsi, après avoir tué un immense arachnide en brulant sa toile à l’aide de son briquet, Bob, rebaptisé le Tueur d’Araignée, est accueilli par une tribu primitive dont le chef lui demande de supprimer le redoutable Ruicko le Chasseur. Si Bob échoue, Violette lui sera sacrifiée. Mais le chasseur en question se révèle un piège mécanique. Par la suite, Bob doit encore combattre le robot Rokuci.

Voici un bon moyen d’occuper deux heures de son temps en arpentant en compagnie de l’infatigable aventurier un monde étranger et dangereux. Bien sûr, le roman n’échappe pas à certains tics comme cette manie de Bob, décidément pratiquement aussi asexué que Tintin, d’appeler sa compagne « petite fille » ou, pire, « Violette des bois ». On constate tout le chemin parcouru par la littérature jeunesse dans le domaine amoureux, les auteurs actuels n’hésitant plus à aborder de front la question de l’attirance sexuelle. Néanmoins, ce KROUIC demeure plaisant et rondement mené, les différentes péripéties s’enchainant de belle manière sans laisser au lecteur le temps de souffler et en dépit d’une fin quelque peu décevante ce petit bouquin reste l’assurance d’un bon moment de divertissement.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Fantastique, #Jeunesse, #Bob Morane

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Publié le 18 Août 2017

COMPARTIMENT TERREUR de Brian Lumley

A la fin des années ’80, Richard D. Nolane rassemble, pour le compte des Nouvelles éditions Oswald (Neo) une vingtaine de nouvelles de Brian Lumley, alors très peu connu du public français. Ceux qui le connaissent ne voit souvent en lui qu’un émule de Lovecraft comme en témoigne sa saga consacrée à Titus Crow. Nolane, pour sa part, désire démontrer la diversité d’un écrivain trop souvent cantonné à ce titre de « suiveur du reclus de Providence ». Il supervise ainsi trois anthologies : L’AVANT-POSTE DES GRANDS ANCIENS, LE SEIGNEUR DES VERS et ce COMPARTIMENT TERREUR qui, en dépit de la variété des thèmes abordés, assument néanmoins l’influence de Lovecraft et ce dès leur (magnifique) couverture et leur titre immédiatement évocateur.

COMPARTIMENT TERREUR se compose de sept nouvelles, agrémentées d’une courte préface de Nolan. Ces 152 pages de fantastique horrifique débutent par un long récit (plus de trente pages), « Fermentation », à l’évidente originalité en dépit d’une thématique assez classique. Nous sommes en présence d’une invasion à base de champignons venus ravager une tranquille bourgade côtière. Cette histoire, d’ailleurs récompensée par le British Fantasy de la meilleure nouvelle, se montre très efficace et prenante, un bon début pour cette anthologiqe.

Beaucoup plus courte, « Compartiment terreur » s’avère également plus traditionnelle et linéaire, avec un dénouement attendu. L’inspiration lovecraftienne se révèle lors du climax où se manifestent des créatures indicibles et tentaculaires venues, suite à une invocation dans un wagon de chemin de fer, dévorer un imprudent.

Autre récit sous l’influence du Maitre, « L’inspiration d’Ambler » nous présente un écrivain de terreur spécialisé dans les récits « à chute » abominables. Nous apprendrons, en une quinzaine de pages bien ficelées, d’où il tire son inspiration. Pas d’une originalité renversante mais rondement mené jusqu’au climax volontiers écœurant.

« La nuit où la Sea-Maid fut engloutie » et « Uzzi » reprennent également le principe des horreurs innommables chères à Lovecraft. La première traite de forages en mer du Nord qui n’atteignent pas le pétrole souhaité mais bien d’anciennes entités tapies dans les fonds océaniques. Les deux dernières histoires, « La cité sœur » et « Le rempart de béton » sont pour leur part construites sur le thème des cités disparues et des hybrides qui cherchent à regagner leur pays natal.

Les récits de Lumley reprennent les conventions de l’épouvante mythologique de Lovecraft et convoquent des entités cosmiques, des êtres mi-hommes mi poissons, des déités antiques et des créatures surgissant des flots océaniques ou rampant sous la terre pour déchiqueter leurs victimes. Nous avons aussi droit à de nombreux ouvrages cabalistiques aux noms plus ou moins imprononçables, connus ou pas (les classiques Culte des Ghoules, Histoire de la magie, etc.) et à une profusion d’adjectifs évocateurs (immonde, obscène, répugnant, etc.) qui rattachent indéniablement l’auteur à Lovecraft. Cette influence sera bien évidemment fort marquée dans LE REVEIL DE CTHULHU, le premier roman de Lumley (publié en 1974) et également le premier tome d’une saga en six volumes consacrés à Titus Crow. A noter que deux des nouvelles du recueil qui nous occupe (« La nuit où la Sea-Maid fut engloutie » et « Le rempart de béton » ) furent par la suite intégrées dans le texte de ce REVEIL DE CTHULHU tandis que Lumley démontra son originalité en renouvelant habilement le mythe du vampire avec la saga NECROSCOPE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Lovecraft

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Publié le 17 Août 2017

LA CHAMBRE ROUGE d'Edogawa Rampo

Edogawa Rampo (un pseudonyme crée à partir de l’anagramme d’Edgar Allan Poe) est sans doute le plus célèbres des auteurs policiers japonais quoique son œuvre reste encore largement méconnue des Occidentaux. Ce court recueil, composé de cinq nouvelles, permet donc de découvrir la production diversifiée de Rampo (1894 – 1965), entre érotisme malsain, fantastique horrifique et intrigue policière.

On y découvre, notamment, le goût de l’écrivain pour la double « chute » : une fois parvenu à la conclusion du récit, le lecteur reçoit une surprise supplémentaire des plus déstabilisantes. Plusieurs nouvelles se révèlent ainsi, en réalité, des fumisteries organisées par le narrateur satisfait de sa bonne blague. Hélas, cette seconde chute, qui tient quelque peu du procédé, ne fonctionne pas toujours avec bonheur et tend plutôt à détruire la construction narrative précédemment élaborée. Heureusement celle-ci se montre souvent d’une grande qualité.

La première nouvelle, « La chenille » s’inscrit dans un style ero-guru (autrement dit dans l’érotisme grotesque) et traite des perversions d’un couple. Un militaire, Sunaga, revient de la guerre couvert de gloire mais complètement détruit et mutilé : amputé des quatre membres, sourd et muet, l’homme ressemble à une immonde chenille. Son épouse se sacrifie afin de pourvoir à ses besoins, qui se résument au sexe et à la nourriture. Peu à peu, la femme modèle verse dans la cruauté et comprend que l’infirme se trouve totalement à sa merci. Elle en fait une sorte d’instrument vivant capable de satisfaire ses penchants sadomasochistes. Une belle réussite et sans doute la nouvelle qui correspond le plus à ce qu’on imagine (à tort ou à raison, les lectures futures le confirmeront… ou non) du style de Rampo : un mélange de thriller, d’horreur quasi gore et d’érotisme fétichiste saupoudré d’une pincée de poésie morbide. Un style par la suite repris par de nombreux « pinku eiga » ou « roman pornos » cinématographiques. Mais ici la femme joue la tourmenteuse tandis que l’homme, plus entravé par son handicap que les demoiselles enchainées du bondage, souffre et jouit de sa souffrance.

« La chaise humaine » traite également de la perversion et d’une forme particulière de voyeurisme. Un talentueux ébéniste construit un imposant fauteuil à l’occidental destiné à prendre place dans le hall d’un luxueux hôtel. Il s’y aménage une cachette, d’abord pour commettre quelques larcins et disposer d’un point de replis, puis, simplement, pour le plaisir de sentir de jeunes femmes s’asseoir sur son « corps ». La chute se devine mais l’intrigue, bien menée, emporte l’adhésion par sa brièveté et son écriture soignée, entre frissons et érotisme allusif.

Plus axée sur le « policier », « la Chambre rouge » traite d’un oisif ayant décidé de commettre cent crimes parfaits. Ces derniers sont si habilement camouflés que les éventuels témoins louent sa prévenance et son apparente empathie. Avertir une femme âgée des dangers de la route n’est-il pas, par exemple, le meilleur moyen de la distraire afin qu’elle périsse dans un accident ? Pourtant, aux yeux des spectateurs, ne s’est-il pas admirablement comporté ? Notre esthète du crime avoue ainsi 99 assassinats avant d’avertir que le centième sera le dernier... De bonnes idées en pagaille (il fut d’ailleurs reproché à Rampo d’en avoir « gâchées » autant dans une seule histoire) pour un récit à la conclusion efficace.

Encore du suspense avec « deux vies cachées » qui traite d’un somnambule poursuivit par le remords d’avoir commis un crime durant son sommeil. A moins que la réalité ne soit plus complexe ? Si la chute semble évidente, la manière dont Rampo l’amène, au cours d’un dialogue, témoigne d’un talent certain pour les effets de surprise efficaces. Malgré son classicisme thématique, voici peut-être la nouvelle la plus réussie du recueil, empreinte de mélancolie et de regrets.

La dernière nouvelle s’avère, hélas, la moins intéressante et accuse sérieusement le poids des ans à l’image de certains récits Sherlock Holmes à présent ennuyeux. Novatrice à l’époque de sa rédaction, elle semble aujourd’hui laborieuse. Avec sa pièce de monnaie truquée comportant un improbable message code qui permet de retrouver 50 000 yens, magot dérobé par un génial « gentleman cambrioleur », le récit, franchement feuilletonnesque, annonce certains mangas (par exemple certains volumes de Détective Conan) basés sur un jeu de piste similaire. La chute tempère le peu de vraisemblance de l’histoire mais ne suffit pas à rendre l’ensemble passionnant, loin de là.  

En dépit de ce bémol et du caractère forcément inégal des récits, LA CHAMBRE ROUGE constitue une lecture plaisante pour quiconque souhaite découvrir ce monument de la littérature japonaise.

 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Golden Age, #Fantastique, #Horreur, #Erotique

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