ellery queen

Publié le 2 Juin 2022

LE MOT DE LA FIN d'Ellery Queen

Ecrit en 1958, ce roman très complexe renoue avec les puzzles insolvables qui rendirent célèbre le duo de cousins. L’intrigue se situe majoritairement durant la période de Noel 1929 mais comprend également un prologue en 1905 et un épilogue en 1958, année où Ellery Queen finit par résoudre le mystère, trente ans après les faits.  Comme dans les premiers romans du duo, le lecteur est « défié » à quelques chapitres de la fin : il possède tous les éléments nécessaires pour résoudre le mystère et désigner le coupable et sa méthode. Gageons qu’aucun lecteur n’y parviendra pas tant le puzzle est opaque et retors.

L’intrigue, elle, propose un traditionnel crime de Noel puisque quelques quidams, rassemblés pour les fêtes de fin d’année dans une maison isolée, reçoivent d’étranges « cadeaux » chaque matin. Ellery Queen fait partie des invités et soupçonne rapidement que le jeu n’est pas aussi innocent qu’il y parait. En effet, rapidement, des menaces apparaissent : des petits mots et des objets semblent de plus en plus annoncer une (ou plusieurs) morts violentes. La situation s’envenime lorsqu’un corps est découvert sans que l’on puisse établir son identité. Qui est l’orchestrateur de ce jeu sinistre ?

Le roman ne se veut certainement pas réaliste, nous sommes dans le pur « jeu cérébral » et, par conséquent, la solution, certes bien pensée, parait complètement invraisemblable, tout comme les réactions de certains protagonistes. Le propos n’est pas là évidemment mais Ellery Queen repousse sans doute un peu trop les limites du crédible pour les adeptes des whodunit impeccablement charpentés. Entre machination élaborée et plan délirant la frontière se montre souvent mince bien que les cousins n’aient jamais hésité à aller très loin dans la complexité. En témoigne LE ROI EST MORT, LE MYSTERE EGYPTIEN ou UN BEL ENDROIT PRIVE et son obsession du chiffre 9 que l’on peut rapprocher de la fascination pour le 12 ici présente. L’intrigue rappelle aussi DIX PETITS NEGRES, associé à une bonne dose du NOEL D’HERCULE POIROT. Ce n’est donc pas le plus original ni le plus convaincant des bouquins de Queen. Cependant, le côté huis-clos, cosy mystery en période de Noël reste agréable : il s’agit presque d’une figure imposée pour les auteurs de romans policiers et l’ambiance est ici réussie. On apprécie le climat feutré et, pour un peu, on entendrait tomber les flocons ou crépiter les buches dans la cheminée. Ne manque qu’un grog et une playlist plein de clochettes et de merry christmas.

En dépit du côté irréaliste du roman (difficile d’imaginer un criminel élaborer un plan d’une telle complexité et « oublier » de prêter attention aux éléments qui permettront à Ellery de l’identifier), le tout reste une lecture plaisante et divertissante. S’il ne peut rivaliser avec les meilleures réussites de son/ses auteur(s), LE MOT DE LA FIN se déguste agréablement au coin du feu ou sur un transat au soleil.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Ellery Queen, #Policier, #Whodunit, #Cosy Mystery

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Publié le 3 Janvier 2020

LA DECADE PRODIGIEUSE d'Ellery Queen

Les deux cousins, dissimulés derrière le pseudonyme collectif d’Ellery Queen, se surpassent à nouveau avec cette construction policière vertigineuse toute en fausses pistes et faux-semblants. Un critique prétendit d’ailleurs un jour qu’Ellery Queen n’écrivait pas de roman policier mais qu’il ETAIT le roman policier (sous-entendu américain) et cette assertion se vérifie encore une fois.

Un jeune sculpteur, Howard Van Horn, craint d’avoir commis des actes répréhensibles dont il n’a plus, aujourd’hui, de souvenir suite à des crises d’amnésie. Il sollicite l’aide d’Ellery Queen mais ce dernier se rend compte, rapidement, que la situation s’avère plus complexe que prévu. Howard entretient, en effet, une liaison avec sa jeune belle-mère, Sally. Bien sûr, un maitre chanteur s’en mêle et Ellery se voit chargé de la transaction, une mission qu’il accepte pour ménager le père de Howard, Diedrich. Aux abois, Howard est même forcé de cambrioler son paternel pour trouver la somme d’argent exigée par le criminel. Evidemment, le maitre-chanteur ne compte pas en rester là et réclame davantage d’argent au pauvre Howard…

Après une première partie de carrière consacrée à l’énigme pure, Ellery Queen (les auteurs) s’oriente vers un policier toujours complexe mais davantage porté sur l’aspect psychologique, notamment avec une série de bouquins se déroulant dans la ville imaginaire de Wrightville. LA DECADE PRODIGIEUSE en constitue une belle illustration avec un Ellery Queen (le détective) en grande forme mettant à jour une incroyable machination criminelle élaborée sur le modèle des Dix Commandements. Un édifice de déductions d’une grande logique et pourtant le lecteur aura droit à de nouvelles révélations surprenantes venant démontrer l’impossible : cette fois Ellery s’est trompé !

Un roman policier d’une grande originalité, à mi-chemin de l’énigme classique type whodunit et du thriller psychologique, servi par une belle plume et dont la patiente construction narrative (prodigieuse, osons le terme !) se dévoile lors des derniers chapitres tout simplement bluffant. Du grand art par les maitres du policer américain.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Ellery Queen, #Golden Age, #Policier, #Thriller

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Publié le 5 Avril 2019

LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES

Jacques Baudou, grand spécialiste de la paralittérature, proposa dans les années 80 quatre anthologies de nouvelles consacrées à Sherlock Holmes. LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES, la deuxième de cette série, rassemble une dizaine de pastiches. « Celui que Jupiter veut perdre » invite les extraterrestres dans l’univers du limier de Baker Street pour expliquer comment le célèbre journaliste Isadora Persano devint fou devant une boite d’allumettes contenant un étrange vers inconnu des scientifiques. Le cas est évoqué dans le canon (dans « Le problème du pont de Thor ») et, depuis, plusieurs épigones de Conan Doyle on relevé le défi d’expliquer cette incroyable histoire. Celle proposée ici n’est pas très réussie mais la réponse expédiée au courrier des lecteurs de Galaxie à l’époque de sa publication (et reproduite ici) mérite le détour ! Isadora Persano revient dans « Le problème du Pont du sort, entre autres » attribué à PJ Farmer et qui tente d’expliquer comment Mr Phillimore est entré chez lui pour prendre son parapluie avant de disparaitre à jamais. On reste dubitatif.

Raffles, un gentleman cambrioleur proche de Lupin (il fut la principale inspiration pour Maurice Leblanc) et concurrent d’Holmes lui ravit la vedette dans un récit un peu laborieux qui, à nouveau, recourt aux extraterrestres pour expliquer les « trois échecs de Holmes ». Raffles fut d’ailleurs créé par le beau-frère d’Arthur Conan Doyle, Ernest William Hornung et on le retrouve dans « Raffles. L'énigme du bicorne de l'Amiral », où il est mis en échec par le docteur Watson et Conan Doyle lui-même. La nouvelle est plaisante, sans plus.

« L'aventure du ver extraordinaire » de Stuart Palmer, auteur bien connu de roman policier, nous permet de retrouver Isadora Persano (encore !) dans un récit assez alerte et divertissant, plus proche du « canon » que les élucubrations précédentes.

Ellery Queen tente, lui aussi, d’expliquer « La disparition de M. James Phillimore » dans une agréable pièce radiophonique (ici retranscrite) lorsque le fameux limier américain est confronté, au début des années ’40, à la disparition du petit fils de Phillimore. L’astuce utilisée semble évidente mais le tout est alerte, amusant et bien mené. Une réussite pour les infatigables cousins.

Arkadi Boukhov nous convie à assister à « La fin de Sherlock Holmes », le détective n’ayant plus aucun travail à accomplir puisque tous les criminels décident de se rendre d’eux-mêmes à la police. Une parodie jusqu’au boutiste du policier classique qui fonctionne agréablement, tout comme l’histoire d’Arthur Porges consacré à Stately Homes, pastiche évident de qui-vous-savez, héros de dix nouvelles dont seulement deux furent traduites en français.

Les « spéculations » sont des textes entre la nouvelle et l’article qui exposent des théories plus ou moins farfelues. Rex Stout, créateur de Nero Wolfe, imagine dès 1941 (soit trois quarts de siècle avant « Elementary ») que Watson ne peut être qu’une femme et il le prouve par diverses citations du Canon. L.W. Balley dans « L'énigme de l'énigme jamais mentionnée » fait de Sherlock la véritable identité de Jack l’Eventreur tandis que « le plus grand triomphe d'Adrian Mulliner » démontre que Sherlock et Moriarty ne faisaient qu’un. Enfin, « Mycroft Holmes. Un mystère élucidé » s’interroge sur l’identité du discret frère ainé qui était peut-être un ordinateur, une machine, Winston Churchill ou le chef des services secrets (comme Ian Flemming le rappellera via son « M »). Bref, des démonstrations farfelues, parfois amusantes, parfois un peu lourdes, qui intéresseront surtout les incollables du Canon.

Dans l’ensemble, LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES offre un divertissement correct et rarement ennuyeux mais les nouvelles, certes sympathiques, s’avèrent souvent quelque peu décevantes et partent un peu dans tous les sens. Nous avons des hommages maitrisés, des délires plus ou moins déjantés qui fonctionnent plus ou moins bien, des pastiches, des hypothèses hardies, des clins d’œil (parfois très pointus) à destination des connaisseurs,…Au final le lecteur passe un bon moment mais reste quelque peu sur sa faim en dépit de l’une ou l’autre réussites incontestables. A réserver aux inconditionnels du limier de Baker Street.

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Publié le 15 Janvier 2018

LE MYSTERE DE L'ALLUMETTE d'Ellery Queen

Dans cette nouvelle enquête, Ellery Queen occupe, durant une partie du récit, une place secondaire. Une grande partie de l’intrigue se déroule en effet lors d’un procès aux nombreux rebondissements qu’aurait sans doute aimé plaider Perry Mason.

Le roman débute assez rapidement par le meurtre de Joe Wilson, un vendeur itinérant désargenté vivant à Philadelphie en compagnie de sa jeune épouse Lucy. Cependant, il apparait rapidement que Joe avait une double identité puisqu’il était également connu sous le nom de Joseph Kent Gimball, un new-yorkais marié à une femme très riche. Son corps a été découvert dans une modeste cabane, surnommée la « maison à mi route » où l’homme changeait d’identité pour dissimuler sa bigamie. Le frère de Lucy, un vieil ami  d’Ellery Queen, se charge de défende sa sœur, accusée du meurtre et héritière d’un million de dollars tandis que l’accusation sème le doute dans le jury, de plus en plus convaincu de la culpabilité de Lucy. A partir d’indices en apparence aussi insignifiants que le nombre d’allumettes consumées présentes sur la scène du crime, Ellery Queen enquête pour identifier le véritable coupable.

Ecrit en 1936, le roman (aussi  connu sous les titres UNE MAISON DANS LA NUIT et LA MAISON A MI ROUTE) marque, selon les spécialistes, un changement de style pour Ellery Queen  (l’auteur aussi bien que le personnage) lequel s’éloigne des énigmes excessivement complexes des 9 premiers romans signés par les cousins Dannay et Lee. Le titre, par exemple, ne comporte plus d’allusion à un pays contrairement aux précédents basés, du moins dans leur version originale, sur un objet assorti d’une localisation géographique suivit de la mention « mystery » comme « The French Powder Mystery » ou « The Egyptian Cross Mystery ». Une pratique reprise durant toute la première moitié des années ’30.

Par la suite le détective s’éloigne de la pure « machine » de déduction pour devenir plus humain tandis que les auteurs développent davantage son background personnel au lieu de se concentrer uniquement sur la complexité de l’intrigue. LE MYSTERE DE L’ALLUMETTE apparait ainsi, rétrospectivement, comme une œuvre charnière dans laquelle, en outre, le père d’Ellery, l’inspecteur Queen, n’intervient pas.

On retrouve cependant le traditionnel « défi au lecteur » (une pause dans le déroulement du roman ou,  en théorie, le lecteur dispose de tous les éléments nécessaires à la résolution du mystère) peu avant qu’Ellery n’énumère les neuf preuves l’ayant conduit à identifier l’assassin. Certaines traduisent d’ailleurs l’époque à laquelle le roman fut écrit et feront aujourd’hui sourires puisqu’elles témoignent d’un temps où une femme ne pouvait fumer la pipe ou le cigare et encore moins sortir de chez elle sans son bâton de rouge à lèvres.

Plus abordable que les précédents romans de Queen (parfois excessivement tarabiscoté), LE MYSTERE DE L’ALLUMETTE développe une intrigue aisée à suivre mais cependant palpitante, notamment par le style très vivant et efficace du (des) romancier(s). Si l’identité du criminel n’est pas franchement surprenante, la manière dont le détective l’identifie, à partir de neuf indices paraissant sans importance, fonctionne de belle manière et démontre l’ingéniosité de l’écrivain. Du beau boulot pour les amateurs de whodunit à l’ancienne.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Ellery Queen

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Publié le 24 Août 2017

LES GRANDS DETECTIVES N’ONT PAS FROID AUX YEUX de Kyōtarō Nishimura

Ecrivain japonais né en 1930, Kyōtarō Nishimura n’a guère été traduit en français mais on peut cependant apprécier son très divertissant LES DUNES DE TOTTORi qui renouvelle le principe de la « disparition impossible » en l’appliquant à un…train entier rempli de voyageurs ! Un joli tour de force littéraire.

LES GRANDS DETECTIVES N’ONT PAS FROID AUX YEUX constitue un autre exercice de style puisque cette enquête à « huit mains » convie Ellery Queen, Hercule Poirot, Maigret et (moins connu des Occidentaux) Kogoro Akechi (détective imaginé par Edogawa Rampo). Les quatre « plus grands détectives du monde », certes vieillissants (ils sont à présent largement sexagénaires) mais toujours prêts à résoudre une énigme. Or voici que le millionnaire Sato les convie dans le but d’enquêter sur la disparition de trois cent millions de yens (environ deux millions de dollars). Les détectives refusent, prétextant que ce type d’investigation échappe à leurs compétences et relève de la police scientifique. Mais Mr Sato a réponse à tout : il va transformer l’affaire afin que les détectives puissent la résoudre. Pour cela il imagine un plan astucieux : brosser le portrait psychologique du coupable, trouver un individu qui réponds aux critères retenus et se laisser voler trois cent millions de yens. Les quatre enquêteurs pourront, dès lors, observer le comportement du voleur et élaborer les hypothèses pouvant mener à l’arrestation du premier criminel. Evidemment tout ne se déroule pas comme prévu et, à mi livre, le voleur est découvert poignardé. L’argent, évidemment, a disparu. Un simple meurtre pour faciliter le vol pensent les policiers. Mais les grands détectives, comme chacun le sait, ont leurs manies et leurs méthodes, pas toujours très conformes aux attentes. Ainsi, sur la scène du meurtre, « Ellery Queen ne s’intéresse qu’à un chapeau haut de forme et Hercule Poirot qu'a la position du fauteuil ! Quand à Maigret, n'en parlons pas, le célèbre détective du quai des Orfèvres, en face d'un cadavre et de la disparition de trois cents millions, ne voyait pas le mobile ! »

Hommage / pastiche littéraire de haute volée, LES GRANDS DETECTIVES N’ONT PAS FROID AUX YEUX s’inscrit dans la tradition du TROIS DETECTIVE de Léo Bruce ou du TROP DE DETECTIVES de Jacques Sadoul ainsi que du film « Un cadavre au dessert ». Bref, nous avons droit à quatre enquêteurs pour le prix d’un. Et non des moindres. Avec leur défauts et qualités évidemment : la suffisance de Poirot, l’humanisme de Maigret, l’entrain de Queen, etc.

Comme le roman a été écrit en 1971, nos enquêteurs ont, grosso modo, leur âge réel, soit entre 60 et 70 ans. Insistons sur cet âge réel car, sous la plume de Kyōtarō Nishimura, Poirot, Queen, Maigret et Kogoro Akechi existent bel et bien et les romans qui relatent leurs exploits respectifs sont d’authentiques compte rendus d’affaires criminelles célèbres. A l’image de Sherlock Holmes, nos détectives sont des « créatures » autonomes qui se sont extirpées des bibliothèques pour devenir charnel et poursuivre leurs exploits dans le Japon en pleine transition des seventies. Et ce qui a débuté comme une sorte d’expérience psycho-sociologique devient une véritable enquête sur un meurtre. A ce moment tous deviennent suspects car, comme le souligne Queen : « à partir d’une certaine somme d’argent chacun peut être coupable ». Nos détectives mènent donc l’enquête, chacun à leur manière, et désorientent la police officielle qui ne comprend rien à leurs élucubrations. Les rebondissements, eux, ne manquent pas, certains prenant même nos héros au dépourvu tant de nouvelles découvertes (les billets carbonisés) remettent en cause toute leur patiente construction mentale. Mais n’ayez crainte, les détectives résoudront le mystère, Ellery Queen insistant même, à la désolation de ses collègues, pour insérer son traditionnel « défi au lecteur ».

L’auteur, manifestement, connait son sujet et se révèle un passionné du roman d’énigme qui se désole, avec les réflexions de Queen, de la prédominance de la série noire. Il brosse en quelques phrases la personnalité des détectives, rend hommage aux auteurs européens, américains et japonais et défend l’universalité du whodunit. Les dialogues sont vifs et la confrontation entre les protagonistes aboutit à un ping-pong verbal réjouissant entrecoupés de nombreuses références aux enquêtes antérieures de nos héros. Attention, donc, les balises « spoilers » n’existent pas dans ce récit qui évoque, notamment, le dénouement de L’ARCHE DE NOÉ d’Ellery Queen, LE CRIME DE L’ORIENT EXPRESS d’Agatha Christie ou LA TÊTE D’UN HOMME de Simenon.

Après la résolution de l’énigme, bien pensée et dans la pure tradition de l’Age d’Or, le lecteur aura même droit à une ultime pirouette qui achève de faire de ce roman un divertissement cinq étoiles. Recommandé et même incontournable pour les amateurs !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Ellery Queen

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Publié le 9 Août 2017

LE MYSTERE EGYPTIEN (ou LE MYSTERE DES TROIS CROIX) d'Ellery Queen

Les Queen père et fils profitent de la quiétude de Noel lorsqu’Ellery est intrigué par un crime particulièrement brutal commis dans un petit village tranquille de Virginie, Arroyo. Un instituteur y a été découvert décapité et crucifié, son corps mutilé formant un « T » sanglant. D’autres « T » ont été tracés avec du sang. La victime, Andrew Van, passait pour un excentrique et son athéisme conduit Ellery a envisagé la piste d’un meurtre lié à la religion. Le détective s’oriente plus particulièrement vers un culte égyptien, le « T » symbolisant probablement, selon lui, la croix égyptienne ou ankh. Ellery s’intéresse ainsi à une secte locale qui mêle nudisme et égyptologie dirigée par le mystérieux Harakht. Cependant, l’enquête reste au point mort tandis que le serviteur simple d’esprit de l’instituteur, peut-être capable d’apporter une réponse à ce crime horrible, a disparu. L’affaire pourrait en rester là si, six mois plus tard, une nouvelle victime, n’ayant apparemment aucun lien avec la première, n’était découverte, elle aussi décapitée et crucifiée. Ellery se lance aux trousses d’un assassin insaisissable.

Publié en 1932, cette cinquième enquête d’Ellery Queen poursuit la saga entamée trois ans plus tôt avec LE MYSTERE DU THEATRE ROMAIN (alias LE MYSTERE DU CHAPEAU DE SOIE). Cette fois Ellery enquête seul (son paternel ne fait que de la figuration) et s’éloigne de New York mais le traditionnel « défi au lecteur » est lancé avant les explications données par le détective. Pour une fois, les familiers du roman policier trouveront probablement l’identité du coupable et pourront même deviner ses motivations, en effet la théâtralité exagérée des crimes devrait mettre la puce à l’oreille des amateurs. Ceux-ci soupçonneront qu’il y a anguille sous roche dès les premières pages mais les retournements de situations restent suffisamment nombreux pour maintenir l’intérêt.

Cependant, le début du roman déstabilise car l’énigme présente un grand nombre de personnages (une vingtaine) et s’attarde sur des nudistes illuminés adeptes d’un culte égyptien. Cette partie manque de rythme et semble un brin confuse, Ellery lui-même déclarant avec raison : « j’ai travaillé sur des affaires compliquées au cours de ma carrière mais je n’en ai jamais vu d’aussi embrouillée que celle-ci ».

Le lecteur se trouve ainsi noyé sous les détails et piégés par les nombreuses fausses pistes, essayant de séparer l’essentiel de l’accessoire. Ce n’est guère évident puisque, comme le remarque le détective : « Quelle abondance de faits insignifiants » ! Les cent premières pages se trainent ainsi et peinent à véritablement passionner, la chasse aux nudistes évoquant immédiatement (quoique de manière évidemment complètement anachronique) les efforts de Cruchot pour nettoyer les plages de Saint Tropez. Tout cela a donc assez mal vieilli en dépit de l’originalité frappante du crime inaugural, une mise en scène macabre et grand-guignolesque qui transforme un instituteur de province en un sanglant totem en forme de croix égyptienne.

Le roman se resserre heureusement à mi-parcours, autrement dit après le second meurtre, quoique notre enquêteur paraisse toujours dans le flou. Un protagoniste de ce MYSTERE EGYPTIEN ne dit-il pas : « j’ai entendu si souvent vanté votre habileté de détective que la réalité me laisse froid. Quand commencez-vous Queen ? Quand Sherlock Holmes bondira t’il sur le lâche meurtrier pour lui passer les menottes ? ». A ce moment, l’auteur s’éloigne de son culte égyptien et ravive l’intérêt : aucun afficionado du whodunit ne peut sérieusement penser que l’un de ces nudistes illuminés sera le coupable désigné. Cette intrigue parait aussi gratuite que forcée et s’avère peu crédible, pour ne pas dire inintéressante, comme si les auteurs (on rappelle qu’Ellery Queen est le pseudonyme collectif de deux cousins) avaient voulu à toute force introduire cette sous-intrigue religieuse (peu exploitée) pour épaissir leur roman.

Une fois nos cultistes retirés de l’équation qui reste-t-il ? Peu de suspects possibles, au point que le twist final, certes bien amené, semblera prévisible. Là encore, impossible de croire, dans le cadre d’un roman policier « classique » de cette époque que nous avons réellement affaire à un fou sanguinaire inconnu. L’un des principaux protagonistes doit fatalement être le tueur recherché. Or le nombre de candidats restreints oblige à recourir au vieil adage : « une fois l’impossible éliminé ne reste que la vérité, aussi invraisemblable qu’elle paraisse ».

Malgré ces défauts (et ce premier tiers languissant, pour ne pas dire laborieux), LE MYSTERE EGYPTIEN s’inscrit au final dans une honnête moyenne du policier de l’Age d’Or. Pour les novices, on conseillera plus volontiers DEUX MORTS DANS UN CERCUEIL, LE MYSTERIEUX MR X, LE MYSTERE DU GRENIER, GRIFFES DE VELOUR ou le classique du « meurtre en chambre close » LE ROI EST MORT. Mais LE MYSTERE EGYPTIEN reste un plaisant « Ellery Queen » qui saura contenter les fans du dynamique duo.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Ellery Queen

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