SOUL BREAKERS de Christophe Lambert
Publié le 19 Novembre 2020
Petit pavé (près de 600 pages !) qui se lit pourtant avec facilité tant le récit se montre fluide et bien mené, SOUL BREAKERS constitue une belle fresque historique teintée de fantastique. Les prémices font penser à LA FOIRE DES TENEBRES de Bradbury, le déroulé à TALISMAN du King mais SOUL BREAKERS trouve très vite son identité et prouve, à ceux qui en doutait, que la littérature « jeunesse » n’a plus rien à envier, en terme de qualités et d’ambitions, aux bouquins « adultes ».
Le livre se situe en 1936, en pleine Grande Dépression, alors que de nombreux Américains sombrent dans la pauvreté et n’ont d’autre choix que de se déplacer sur les routes. Teddy, adolescent de 15 ans en route pour la Californie, voyage avec son père et sa sœur Amy ; or, en Arizona, les deux jeunes gens assistent à un spectacle donné par une troupe de forains menée par Sirius. Peu après, Amy tombe gravement malade. Pour Teddy, la seule explication est que Sirius a volé l’âme de l’enfant. Il décide de se lancer à la poursuite des saltimbanques pour inverser le sortilège.
Christophe Lambert nous offre une grande fresque, prenante et originale, qui nous permet de revisiter une période difficile : exploitation des mineurs, répression dans la violence, augmentation de la criminalité, misère, guerre mondiale à venir, détour par un hôpital psychiatrique avec thérapie aux électrochoc, ou dans un abattoir…L’écrivain ne ménage pas son lecteur, même si le roman peut être catalogué « young adult » : il ne lui épargne pas les difficultés de la vie, la mort omniprésente, les déceptions, les sentiments contrariés, les amours naissantes et les chagrins,…Nous sommes loin de Tintin ou de Bob Morane qui s’en sortaient sans une égratignure, asexués et toujours triomphant (sans jugement de valeur mais les temps ont changé !). Les personnages sont nombreux (le jeune Teddy, le fantasque apprenti écrivain Duca, le « Chef » indien, la jeune muette,…) et toujours bien campés avec des traits bien dessinés et des répliques bien senties, mention spéciale au Shérif un brin rentre-dedans tout droit sorti d’un film grindhouse / redneck.
Le style, lui, est toujours maitrisé et le vocabulaire bien choisi pour être compréhensible par un public adolescent sans sombrer dans la platitude ou la facilité. Un exercice difficile mais que Lambert maitrise depuis longtemps, ce qui rend ce grand « road-movie » américain aussi plaisant pour les adultes que pour les plus jeunes. Tout le fond historique et social s’avère, comme toujours, bien rendu et après quelques belles réussites situées durant la Seconde Guerre Mondiale comme LA BRECHE ou LE COMMANDO DES IMMORTELS, le romancier s’intéresse ici à la période immédiatement antérieure.
Fresque épique, fantasy historique et drame fantastique font ainsi bon ménage pour offrir au lecteur un vrai plaisir. Un des (nombreux !) sommets de l’auteur, à déguster sans modération.