LES DERNIERS JOURS DU PARADIS de Robert Charles Wilson
Publié le 5 Juillet 2020
Robert Charles Wilson s’est imposé comme un des maitres de la science-fiction du XXième siècle. Il semble avoir digéré aussi bien les auteurs classiques que les petits nouveaux portés sur la hard-science ou la spéculation anticipative. Ses romans combinent en quelques sortes le meilleur de ces mondes : intrigue très solide, personnages intéressants, fonds scientifiques pointu mais abordable, sense of wonder et conséquences bien étayées des prémices souvent vertigineuses. SPIN (récompensé par le Hugo), l’hallucinant LES CHRONOLITHES, le superbe A TRAVERS TEMPS, l’efficace BLIND LAKE,…que du bonheur pour l’amateur ! Malheureusement, LES DERNIERS JOURS DU PARADIS, ne se hisse pas à la même hauteur que les titres précités. Il s’agit d’un roman nettement plus mineur et plus faible. Pourtant, la « recette » de Robert Charles Wilson semble cuisinée avec les mêmes ingrédients.
Le point de départ, tout d’abord, interpelle : nous sommes en 2014, dans un monde uchronique vivant dans une paix mondiale (certes relative) depuis un siècle. L’Amérique s’apprête à célébrer l’Armistice de 1914 qui a mis fin à toutes les guerres. Mais quelques scientifiques triés sur le volet et appartenant à une mystérieuse Correspondance Society, soupçonne la vérité : la radiosphère entourant la terre est, en réalité, un être vivant symbiotique (ou parasitaire, le débat reste ouvert) baptisé hypercolonie ayant mené l’humanité à la paix…Mais dans quel but ? L’hypercolonie dépêche des êtres artificiels, dit simulacres, pour supprimer les savants s’approchant trop près de la vérité. Cassie, dont les parents ont jadis été tués, doit fuir les « sims » avec une poignée d’individus connaissant la réalité concernant l’hypercolonie. Mais fuir vers où ?
L’auteur se place ici sous les influences de John Wyndham (en guise de clin d’œil un personnage porte d’ailleurs ce patronyme), Philip K. Dick et autres spécialistes de la SF parano dans laquelle les protagonistes évoluent dans des « mondes truqués ». Le cinéphile peut également, même si la référence fait moins sérieux, évoquer la saga « Terminator » dans cette fuite permanente devant une entité toute puissante qui délègue des simulacres pour assurer sa sécurité. Dès lors, le roman prend des allures de road movie (ou road book ?) puisque les personnages sont perpétuellement en mouvement, poursuivi par les simulacres. Et c’est là que le bouquin montre, hélas, ses limites. Car il n’échappe pas à une réelle monotonie et se montre souvent répétitif. De plus, les enjeux restent souvent limités à quelques personnages et les côtés uchroniques s’avèrent quasiment occultés : nous en apprendrons peu sur ce monde pacifié. Si LES CHRONOLITHES, par exemple, combinait les destins individuels des personnages et des événements grandioses, LES DERNIERS JOURS DU PARADIS parait manque un peu d’ampleur. Ce n’était pas le but rétorqueront les enthousiastes ! Certes, mais la frustration du lecteur est réelle.
Reste heureusement les qualités habituelles du romancier : chapitres courts rondement menés, idée de départ impressionnante, personnages attachants, rythme efficace (en dépit, ici, de quelques longueurs), toile de fond mystérieuse donnant envie de poursuivre la lecture. A tout cela s’ajoute, ici, un hommage à peine voilé à cette SF des sixties qui, du VILLAGE DES DAMNES à L’INVASION DES PROFANATEUR, a beaucoup contribué aux théories paranoïaques et complotistes de ces dernières années. Malheureusement, au fil des pages, l’intérêt s’étiole et le dernier tiers du bouquin manque de mordant pour maintenir l’attention du lecteur. Seul l’épilogue tempère un peu ce jugement sévère.
En résume, un roman potable, avec quelques bonnes idées et l’un ou l’autre passages réussi mais hélas décevant de la part de Robert Charles Wilson. On se consolera avec le suivant…