DOCTOR SLEEP de Stephen King
Publié le 6 Janvier 2020
N’ayant jamais caché son désamour envers le film « Shining », Stephen King se lance dans le pari, un peu casse-gueule, d’offrir une suite à son roman original. Délicat car SHINING se retrouve fréquemment cité comme un des meilleurs et des plus effrayants romans du King (avec SIMETIERRE et CA). Y revenir après 35 ans avait tout de l’entreprise risquée mais la voie choisie par l’écrivain s’avère payante : reprendre le personnage emblématique de Danny Torrance pour le retrouver trois décennies après la destruction de l’Overlook. Et proposer une nouvelle intrigue dont les liens avec SHINING ne se révèlent qu’au fil de la lecture.
Possédant toujours le « shining » (un don parapsychologique), Danny aide les mourants d’un hôpital à passer de l’autre côté en douceur. Il tente de rester à l’écart des problèmes mais sa rencontre avec une petite fille, Abra, dotée de pouvoirs colossaux va attirer sur lui l’attention d’une horde de bohémiens « vampires » (à défaut d’un terme plus adéquat).
Gros pavé, DOCTOR SLEEP prend son temps, comme toujours, pour emmener ses personnages (et le lecteur) vers une confrontation finale qui prend des allures de westerns vampiriques sur les ruines de l’Overlook. Pendant plusieurs centaines de pages, le King travaille ses protagonistes, exorcise ses vieux démons (l’alcoolisme et sa dépossession du roman SHINING par le film de Kubrick), se balade en enfance avec sa jeune héroïne et envisage le passage à l’âge adulte difficile de Danny.
Beaucoup de bonnes choses, quelques citations percutantes, un sens de la formule rarement pris en défaut (40 ans de métier quand même !) et une envie de donner une réelle ampleur à son récit avec sa maestria habituelle de conteur. Toutefois, en dépit de sa bonne volonté, DOCTOR SLEEP souffre de défauts récurrents chez King, en particulier une tendance à allonger parfois inutilement la sauce lorsqu’un « montage » plus serré aurait contribué à donner plus de tension au récit. Ce qui n’est pas toujours une question de pagination d’ailleurs puisque la même année le King offrait le monstrueusement épais et pourtant constamment passionnant 22/11/63.
DOCTOR SLEEP constitue au final un roman intéressant mais pas pleinement abouti, une œuvre mélancolique et crépusculaire sur le temps qui passe. Non sans, parfois, quelques temps morts. On peut d’ailleurs se féliciter du travail d’adaptation de Mike Flannagan puisque son film gomme la plupart des scories du livre et offre une expérience envoutante et réussie.
Un King un brin décevant sans doute (l’héritage de SHINING est, il est vrai, pesant…tant au niveau du film que du roman) mais suffisamment efficace pour que l’on passe un bon moment.