LES CONTES DE LA FEE VERTE de PoppY Z. Brite
Publié le 8 Juillet 2019
Les nouvelles de Poppy Z. Brite tournent souvent autour des mêmes thématiques : perversions, homosexualité débridée, violence, glauque, gothisme, noirceur, sadomasochisme… Si elle / il recourt aux créatures légendaires de la bit-lit (vampires en tête), Poppy préfère jouer la carte de l’horreur extrême, pas question donc de se laisser aller à un romantisme malvenu ou à décrire les dessous de dentelles de ses héroïnes. On y retrouve, à chaque fois, un mélange d’exotisme poisseux qui pue la sueur rance, le sexe et la mort (avec pour décor la Nouvelle Orléans ou Calcutta) et d’érotisme hard. Bien sûr, toutes ses nouvelles ne sont pas également réussies mais cette appréciation est, de toutes façons, purement personnelle. Pour ma part j’en ai apprécié certaines tandis que d’autres m’ont laissé dubitatif.
« Anges » et ses siamois incomplets depuis leur séparation (une sorte de variation sur le thème du très gore long-métrage « Basket Case ») constitue une belle réussite. On en retrouve les protagonistes dans la plus quelconque « Prise de tête à New York ».
« Sa bouche aura le goût de la fée verte » constitue un hommage à un classique de Lovecraft, « le molosse », revisité de manière bien plus brutal et (homo)érotique.
La courte « Xénophobie » et l’étrange « musique en option pour voix et piano » s’avèrent également intéressantes mais la plus percutante des histoires reste sans doute « La sixième sentinelle ». Une histoire d’amour avec corps putréfié, jeune gothique strip teaseuse et suicidaire, fantôme aux desseins pervers,…
La très brutale « Paternité » et la nauséeuse « Calcutta, seigneur des nerfs” fonctionnent agréablement dans leur regirstre, la seconde ne racontant pas grand chose mais bénéficiant d’une belle ambiance grâce à des phrases aussi radicales et bizarrement poétiques que celle-ci: "Le monde est une putain et Calcutta est sa chatte. Quand le monde s'accroupit et écarte les jambes, c'est Calcutta que l'on découvre, ce sexe moite d'où s'élèvent mille odeurs aussi exquises que nauséabondes."
Encore une fois nous ne sommes pas chez Harlequin comme en témoigne cet autre court extrait : « Nous attachions leurs poignets et leurs chevilles avec des dentelles noires, nous lubrifiions et pénétrions leurs moindres orifices, nous leur procurions des plaisirs qui leur faisaient honte. Je me souviens de Félicia, une beauté aux cheveux mauves, qui parvint à un orgasme sanglotant, sauvage, grâce à la langue râpeuse d'un chien errant ».
Cependant, on peut se lasser de la similitude des thèmes abordés et des obsessions de Poppy Z. Brite, de son attrait pour les homos gothiques sado masos plus ou moins tarés ou de ses fins ouvertes qui laissent un goût d’inachevé. On peut néanmoins apprécier la qualité de sa plume, qui oscille entre un fantastique poétique à l’ancienne et une méticulosité dans les descriptions croustillantes n’ayant rien à envier aux plus violents pornocrates. Bref, une série de nouvelles enivrantes comme un grand verre d’absinthe qui devraient satisfaire les amateurs d’horreur érotiques loin de la mièvrerie de bien des auteurs actuels du fantastique. Et ce en dépit d’une poignée de textes pas vraiment convaincants.
Ce recueil, originellement publié en 1993, reste donc une bonne porte d’entrée dans l’univers de Poppy Z. Brite. Les curieux iront ensuite s’abreuver de SANG D’ENCRE et AMES PERDUES, les plus pervers apprécieront ses deux anthologies EROS VAMPIRE et les plus endurcis tenteront LE CORPS EXQUIS, sans doute un des romans les plus « jusqu’au boutiste » de ces dernières décennies.