GRAVE SUR CHROME de William Gibson
Publié le 6 Mai 2019
Dans ce recueil de nouvelles nous retrouvons neuf textes qui firent la gloire de William Gibson et lancèrent la vague cyberpunk. A chaque fois, le lecteur embarque par conséquent dans un monde déprimant, bouffé par la technologie envahissante, dans lequel les individus, perpétuellement connectés, s’amusent à modifier leur corps par des implants et se shootent quasi en permanence. Les gouvernements ont capitulé et le pouvoir est tombé aux mains des megacorporations ultra capitalistes. Bienvenue dans la dystopie ultra-connectée du XXIème siècle.
Gibson avait démontré ses capacités de visionnaires dans ces récits (écrits avant l’avènement d’Internet) et, à l’époque, ils avaient fait l’effet d’une véritable bombe, comparable à la « new wave » de la décennie précédente, dans le petit monde de la SF. Qu’en reste-t’il aujourd’hui ? Des récits toujours intéressants, toujours actuels, pas toujours facile d’accès (non pas à cause de leur thématique - finalement très abordable - mais plutôt du style de Gibson parfois aride) mais que l’on relit avec intérêt. « Johnny Mnemonic », typique de l’auteur, reste un classique, tout comme « Fragment de rose en hologramme ». Plus original, « le genre intégré » ajoute à l’ambiance cyberpunk un climat poisseux et un fantastique quasi lovecraftien pour une fiction « weird » réussie. On continue avec « Hinterland » et « Etoile rouge blanche orbite » (pour ma part) moins convaincants.
Co-écrite avec Michael Swanwick, « Duel aérien » fonctionne de belle manière quoique son cadre (voulu futuriste) ait pris un coup de vieux (lunapark, jeu de simulation de combat,…disquettes !).
« Gravé sur chrome » reste probablement la meilleure nouvelle du recueil et un parfait témoignage du courant cyberpunk avec tous les ingrédients indispensables : affrontements de hackers dans le cyberspace, mur de glace protégeant les corporations des intrusions intempestives et trame générale inspirée par le polar hard boiled mais revisitée dans un cadre anticipatif très sombre aux influences nipponnes plus ou moins affirmées.
Aujourd’hui, le cyberpunk semble quelque peu délaissé au profit d’une littérature plus centrée sur l’évasion (steampunk, urban fantasy, etc.). Sans doute parce que la réalité a tellement rattrapé les « élucubrations » des romanciers du genre que ces intrigues n’apparaissent pratiquement plus comme de la science-fiction mais s’apparente aujourd’hui quasiment à de la chronique sociale d’un monde agonisant.