L’OUTSIDER de Stephen King
Publié le 8 Mars 2019
Après FIN DE RONDE, le lecteur a dit adieu à Bill Hodges mais pas à son amie détective Holly, laquelle n’intervient cependant qu’à la moitié de ce nouveau roman qui débute à la manière d’un « policier » classique. Du pur « procédural », avec la découverte du corps d’un petit garçon violé et assassiné dans un parc de Flint City et l’enquête, minutieuse, pour retrouver le coupable. Les témoignages et empreintes accusent rapidement l’entraineur de l’équipe sportive local, Terry Maitland, homme marié sans histoires aimé de tous. Si tout l’accuse, Terry possède pourtant un alibi parfait : sa présence, au moment du meurtre, à une conférence donnée à plus de 100 km par Harlan Coben. Terry a même été filmé et un livre trouvé sur place porte ses empreintes. Un alibi trop parfait ? Comment Terry aurait-il pu être à deux endroits à la fois ? L’inspecteur Ralph Anderson soupçonne que tout n’est pas normal dans cette histoire…de là à croire en des entités surnaturelles proches des vampires vus dans des films d’horreur mexicains il y a cependant un pas. Un pas qu’Holly, elle, peut franchir car elle a jadis été confrontée au paranormal.
King revient ici à un mélange de fantastique et de policier très efficace, un subtil équilibre entre le rationnel et le surnaturel qui commence à la manière d’un thriller pour basculer dans le fantastique teinté d’épouvante. Le King s’appuie à présent sur cinquante ans de métier et autant de romans avec, certes, quelques ratés mais une incroyable collection de classiques incontournables. Il maitrise toutes les ficelles de la narration et livre un condensé de son œuvre, passant du fantastique quelque peu tapageur de ses débuts au polar noir plus subtil qu’il semble priser depuis une bonne dizaine d’années. L’OUTSIDER n’est donc pas sans rappeler les grandes réussites de son rival Dean Koontz qui s’était un temps spécialiser dans ce style de récit aux indéniables qualités de « page turner ». Alors bien sûr l’écrivain se laisse parfois aller à délayer son récit, l’étirant sur près de 600 pages là où un rythme plus resserré (et un plus raisonnable 400 pages) n’aurait pas été de refus. Mais c’est devenu à ce point une habitude chez King de « prendre son temps » qu’on peut difficilement encore considérer cela comme un défaut. On parlera donc plus volontiers d’un style personnel, sans doute volontairement plus lent, plus posé, plus travaillé aussi, notamment dans la construction des personnages, que la majorité des thrillers fantastiques actuels. A plus de 70 ans, King ne changera sans doute plus sa méthode, sa recette pourrait-on dire, mais comme il reste le meilleur pour cuisiner ce genre de plat le lecteur ne s’en plaindra pas.
Dans L’OUTSIDER, forcément, Holly vole la vedette à l’inspecteur Anderson, sorte de substitut à Bill Hodges, pourtant bien campé. Mais rien à faire, on préfère Holly. Holly et ses manies, ses tics, ses petits carnets dans lesquels elle note les milliers de films qu’elles visionnent (notamment les Kubrick mais pas « Shining »… qu’elle n’aime pas évidemment).
En filigrane au fantastique, King scrute toujours l’Amérique, et reste toujours à l’écart des grandes villes : après le Maine il voyage cette fois vers le Texas aux côtés d’un paquet d’« Américains moyens », ni ange ni démon, qui ont subi les effets du 11 septembre et de la crise de 2008 sans s’en remettre vraiment. Des Américains prompts à lyncher le coupable désigné dans des scènes frisant l’hystérie collective. Mais des personnages bien brossés et loin de la caricature.
S’il n’est pas le meilleur livre de son auteur, L’OUTSIDER prouve néanmoins que le roi du fantastique en a encore sous le capot. D’ailleurs, dans son domaine, il ne connait aucun rival.