LE GRAND JEU DU TEMPS de Fritz Leiber
Publié le 7 Janvier 2019
Pas toujours évident d’avouer que l’on est resté de marbre face à un classique. Et LE GRAND JEU DU TEMPS peut prétendre à ce titre puisqu’il est sans doute un des premiers romans à avoir abordé le thème de la « guerre modificatrice ». Autrement dit un combat que se livrent différentes factions à travers les âges afin de modifier l’Histoire. Pourquoi combattre une armée lorsque l’on peut tuer son général au berceau ? Un concept fascinant, par la suite souvent repris en science-fiction, que ce soit en roman ou en série télévisée (Star Trek, Doctor Who, etc.). Leiber semble avoir été le premier à y penser à travers ce roman, d’ailleurs récompensé par un Hugo, et sa « suite », le recueil de nouvelles LES RACINES DU PASSE. Cela parait grandiose. Cela ne l’est pas.
L’intrigue s’intéresse à deux races extra-terrestres dont le lecteur ne saura pas grand-chose. L’humanité les surnomme les Araignées et les Serpents. Ces créatures s’affrontent à travers le temps, au risque de détruire peu à peu le continuum. Ils ramènent différentes personnes à la vie et en font des pions dans ce grand jeu cosmique. Une poignée de soldats se retrouve, entre deux combats, dans une station hors du temps. L’Histoire a déjà subi bien des manipulations mais combien de fois pourra-t-elle encore être altérée ?
LE GRAND JEU DU TEMPS part de prémices passionnantes et énumère quelques interrogations tout aussi intéressantes sur les paradoxes mais le roman échoue complètement à susciter l’intérêt. Une première lecture fort peu convaincante et une seconde, une trentaine d’années plus tard (!), tout aussi décevante, ne change guère mon opinion : c’est incroyablement ennuyeux.
Le récit ne génère aucun sense of wonder, aucun mystère, aucun suspense. Tout se résume à des dialogues dans une étrange station hors du temps. Le roman est donc statique et théâtral au possible, un peu comme un épisode de Doctor Who des sixties. Sauf que les personnages ne sont aucunement intéressants. Et qu’ils discutent interminablement. Le lecteur éprouve dès lors les pires difficultés à s’intéresser à l’action (ou plutôt à la « non action ») en dépit d’un background des plus prometteurs : les guerriers du temps kidnappent Einstein, anéantissent la philosophie grecque, empoisonnent Cléopâtre. Mais rien de tout ça n’est évoqué autrement que par des lignes de dialogues échangées entre les intervenants, qui comprennent une jeune femme, un nazi, des aliens,…Tout ça parait prometteur, une fois de plus. Mais Leiber n’en fait rien, ou si peu. Tout comme de son histoire, difficile à suivre et qui semble n’aller nulle part. Ou alors droit dans le mur. Et le roman a beau être court, il faut batailler pour en venir à bout. Autant se replonger dans les grandes réussites de l’auteur comme son cycle des Epées ou ses nombreuses nouvelles de qualité.