DERNIER MEURTRE AVANT LA FIN DU MONDE de Ben H. Winters
Publié le 17 Janvier 2018
Concord, une petite ville du New Hampshire sans histoire et au taux de criminalité très faible. Du moins jusqu’il y a quelque mois. Car, depuis, des scientifiques ont découvert un astéroïde de six kilomètres de diamètre surnommé Maia. Au début, personne ne s’en est réellement préoccupé. Une collision semblait totalement improbable. Une malchance sur plusieurs milliers. Puis sur plusieurs centaines. Puis une chance sur deux. Et, finalement, une certitude : l’impact aura bien lieu. Maia et la Terre vont se percuter. Pour une moitié de la planète ce sera l’anéantissement immédiat. Pour l’autre moitié ? Difficile à dire. Sans doute une mort lente après un retour à la barbarie. Alors certains se suicident, d’autres plaquent tout pour aller réaliser leurs rêves, d’autres construisent d’illusoires abris, achètent des armes pour survivre dans un hypothétique et très incertain « après ». Les sectes fleurissent, les geeks refont les calculs pour prouver que la collision n’aura pas lieu et le Pakistan se promet d’atomiser le gros caillou. Saint Bruce Willis, priez pour nous ! Et, bien sûr, le prix de la nourriture s’envole. Mais pas autant que celui des drogues. Néanmoins, une fois l’information assimilée, la population continue, globalement, à vivre et à poursuivre ses activités en attendant la fin du monde, prévue pour dans six mois.
« Les gens, dans l’ensemble, vaquent simplement à leurs affaires. Ils vont au boulot, s’assoient à leur bureau, espèrent que la boîte sera toujours là lundi prochain. Ils vont au supermarché, poussent leur chariot, espèrent qu’il y aura à manger dans les rayons aujourd’hui. Retrouvent leur chérie à l’heure du déjeuner pour aller acheter une glace. D’accord, bien sûr, certains ont choisi de mettre fin à leurs jours, et d’autres d’aller réaliser leurs rêves, d’autres encore cherchent partout de la drogue ou se baladent la bite à l’air ».
Hank Palace, jeune policier récemment promu inspecteur décide, pour sa part, de continuer son boulot. Ainsi il entame une enquête sur un geek, Peter Zell, venu se pendre dans les toilettes d’un McDo. Une affaire des plus banale, un simple suicide de plus et ceux-ci commencent à être nombreux. Pourtant, quelque chose chiffonne Hank. Serait-ce un crime maquillé en suicide ? Et qui prendrait la peine d’effectuer une telle mise en scène sachant que, dans une demi-année, toute la population aura péri ? Hank s’accroche, il veut une certitude, malgré l’avis de ses collègues ou celui du légiste. Il ira jusqu’au bout même si tout le monde s’en fout.
Avec ce premier tome d’une trilogie « pré apocalyptique », Ben H. Winters livre un excellent compromis entre le roman policier et la science-fiction. Bien sûr, la fusion des deux genres a déjà donné lieu à de belles réussites comme FACE AUX FEUX DU SOLEIL d’Asimov, BLADE RUNNER de Dick ou, plus récemment, CARBONE MODIFIE de Richard Morgan ou la saga « Greg Mandel » de Peter Hamilton. Toutefois, l’idée de Ben H. Winters se montre particulièrement originale puisqu’il suit un inspecteur obstiné bien décidé à résoudre ce qui pourrait bien constituer « le dernier meurtre avant la fin du monde ».
Sur un rythme alerte (les 330 pages ne laissent guère le temps de souffler), l’écrivain propose une très efficace enquête policière, entre mystère (de type whodunit) classique et polar de série noire avec son détective désabusé (sachant que l’humanité est condamnée à brève échéance difficile de ne pas l’être) et sa narration à la première personne, le tout dans une ambiance science-fictionnelle de fin du monde annoncée fort intéressante et réaliste.
Si certains se laissent aller à leurs penchants ou plaquent leur boulot pour aller peindre des nus en Provence, une certaine civilisation – en pleine déliquescence – subsiste : la plupart des gens vivent simplement leur vie, avec leurs considérations quotidiennes, à la recherche de nourriture ou d’argent pour payer le loyer. Parallèlement, les moyens de communications s’écroulent, Internet disparait et, pour les employés (de moins en moins nombreux) qui continuent à travailler, le papier et la ligne fixe ont repris leur droit face aux ordinateurs et aux téléphones portables. Pour les vendeurs d’assurance-vie c’est la catastrophe mais pour d’autres la vie continue, surtout depuis qu’on sait qu’il n’y aura aucune conséquence à long terme pour ses actes. Attention, toutefois, la police se montre particulièrement sévère et les infractions vous conduisent tout droit en prison pour six mois. Autrement dit, aucune chance d’en sortir vivant.
Roman aussi original que bien mené, DERNIER MEURTRE AVANT LA FIN DU MONDE, ponctué d’un soupçon d’humour noir bienvenu et de quelques références en guise de clins d’œil habilement placés, se révèle une grande réussite. Vivement conseillé en attendant la suite !